Brol #55 – maternité libre

Publié le 27 octobre 2020

Ce matin, je lisais les mots d’Eva Kirilof sur son expérience de la maternité, et j’ai repensé à mes propres mots sur le même sujet. Mes mots depuis et sur Maurice jaillissent nombreux et bouillonnants, sans doute plus que jamais – mais pour la plupart dans le plus grand secret. C’est pour moi une parole et une écriture encore difficile à poser, à ordonner et encore davantage à rendre publique (sous quelle forme ? pour qui ? pour quoi ? comment ?). 

Bref, je réfléchissais à tout ça et j’ai repensé à mon introduction à la session de Li(b)rede début août – alors je vous la pose ici.

1er aout 2020

Pour cette session de li(b)re à toi, j’ai longuement hésité sur le texte que j’allais vous lire : ressortir l’un ou l’autre article de mon blog ? Sélectionner un extrait un peu poussiéreux d’un des écrits qui traînent dans les tiroirs virtuels de mon bureau sous forme de dossiers intitulés projet 1, projet 1 bis, projet 2, projet à venir, projet 3, etc. ? Ou écrire un billet spécialement pour l’occasion ? Oui, mais sur quel sujet ? Quelles sont mes obsessions du moment, quels mots prennent le plus de place dans ma tête et pourraient irradier en douceur jusqu’à vos oreilles ? Quels sont les sujets qui m’habitent ? 

Je dois bien l’avouer, depuis un tout petit peu plus d’un an, ce qui m’habite et m’habille, ce qui m’éclaire et m’assombrit, ce qui me fait naviguer et chavirer, ce qui me meut et me pétrifie, ce qui me dévore et me nourrit, c’est mon fils. C’est l’existence de Maurice. Il a un an et deux semaines, et depuis sa naissance, je consigne et écris beaucoup de choses sur lui et pour lui : ses progrès, ses évolutions, ses premiers rires, ses premiers jeux, ses premières dents, ses premiers mots, ses premiers pas, ses premières blagues. Enfin bon, beaucoup de ses premières fois quoi. Ne vous inquiétez pas, je vais vous épargner le récit détaillé de ces évènements qui pour moi sont des petites pierres précieuses mais dont, tout aveuglée que je suis, je comprends bien le peu d’intérêt aux yeux des autres. 

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C’est d’ailleurs une de mes réflexions au sujet de la maternité : on la tait beaucoup, on la garde pour soi, elle se déroule et puis surtout s’enroule sur elle-même en privé, à la maison, à l’intérieur de nos espaces physiques et mentaux clos. On ne l’étale pas trop sur les réseaux sous peine de mauvais goût, elle a mauvaise presse auprès des féministes, auprès des employeurs, auprès de certains proches parfois. On comprend instinctivement qu’on peut en parler un peu, oui allez, quand même, mais bon pas trop non plus. Qu’on peut devenir maman, oui, bien sûr, mais surtout que ça ne nous change pas trop, il faut vite redevenir efficace, disponible, libre, festive, vive, pour les autres, le monde, la vie. 

Et pourtant il y a tant à dire de la maternité, tant à apprendre de cette expérience radicale de l’altérité, pourtant encore souvent perçue comme l’ultime conformité. Il y a tant à retenir de cette expérience éperdue d’amour fou et de temporalité élastique. De cette expérience animale, infinie, difficilement intelligible, qui élargit le réel et redéfinit les contours de tout. L’univers entier semble éclater, tout semble tout à coup connecté différemment.

Dans la maternité, il y a la langueur, les doutes, la solitude, la transparence absolue. Dans la maternité, il y a l’identité et la mémoire, les yeux et les mains, la transmission et l’explosion, la communication et l’indicible, la construction et la destruction, le minuscule et l’infini. Dans l’expérience de la maternité, il y a la vie et il y a la mort. 

C’est pourquoi j’ai finalement fait une petite sélection de mes textes autour de ce sujet pour vous en lire quelques extraits ce soir. 

— 
(bon et là après j’ai lu des trucs)

Voilà, c’était il y a quelques mois déjà, et ça me permet de remercier ici Taïla et Camille pour l’espace de possibles qu’elles ont créé. Li(b)re, c’est un projet de lectures à voix haute et de libertés, qui fait se rencontrer des mots, des voix, des humains au-delà des frontières qui nous confinent dans nos appartements.

J’en profite aussi pour remercier ici Cenina pour l’invitation qu’elle m’a faite pour participer à une de ses Conversations, que je vous invite à toutes lire ! Dans la mienne (que vous pouvez lire ici), je parle aussi de maternité – mais pas que. 

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Donc voilà : merci merci merci. Je trouve ça incroyable et tellement porteur ces projets de femmes qui se donnent de la lumière et des mots les unes aux autres. 

croquis de « mère couchée avec son enfant » de Paula Modersohn-Becker
dont je vous invite à découvrir l’oeuvre si vous ne la connaissez pas 
son rapport à la maternité y est d’ailleurs très intéressant
dans son oeuvre picturale comme dans ses carnets, où son désir d’enfant est ambigu – elle a fini par donner naissance à une fille, Mathilde, puis est morte des suites de l’accouchement 
lisez aussi « Être ici est une splendeur » de Marie Darrieussecq
qui raconte sa vie 
et que mon amie MC m’avait offert alors que j’étais enceinte
mais que personne ne le savait 
sauf moi 

Voilà !