Brol #50 – les oiseaux pour fenêtre
Publié le 15 juin 2020
Dans la boite aux lettres aujourd’hui, il y avait une longue lettre, une carte postale de mes témoins, le faire-part d’une petite Eugénie, et deux factures.
Les plaisirs du confinement, ils étaient là aussi : dans les écritures, les petites cartes, lettres, dessins, pensées, mots doux ou drôles dans la boite aux lettres, posés sur l’escalier ou le palier, traînant ensuite sur la table, le bureau, l’armoire, finalement aimantés sur le frigo ou punaisés face au bureau.
J’ai parcouru à toute vitesse la longue lettre manuscrite, fascinée par le rythme de cette petite écriture serrée, presque nerveuse, appartenant pourtant à une personne si calme, une amie précieuse. Elle terminait par ces mots :
Ma question était : que souhaiter à Juju ?
Voici ce que répond Edmond Jobès, dans Le Seuil Le Sable
1. Une somptueuse demeure
Une somptueuse demeure, les oiseaux pour fenêtre
(couleur de forêt vierge, parfum zébré d’ivresse d’aile)
La nuit est dans le creux de la main
(dans l’éclat des yeux, aussi bien)
Bornes de l’univers : chacune est germe d’infini
(couchée, elle écoutait, dans un bruit d’eau qui se brise, au-dessus de son lit, l’onde dérouler ses chaînes et rejeter sur la rive les soleils déchus de la liberté offensée.)
On fait de l’ombre en respirant.
(…)
Les murs, peu à peu, ont desserré leur étreinte, car il n’y a pas d’éternel amour chez les pierres.
—
C’est si beau, non ?
Voici donc pour vous aussi, cette somptueuse demeure qu’on m’a souhaitée aujourd’hui et qui résonne tant avec ces derniers mois de murs resserrés dans lesquels l’air s’engouffre à nouveau, mal assuré, balbutiant encore, retrouvant doucement sa place, un rythme, un souffle.
« Les murs, peu à peu, ont desserré leur étreinte »
Bonne nuit <3