Brol #3 – ne fais pas l’intéressant
Publié le 16 septembre 2017
Je suis tombée dans mon fil Facebook sur une vidéo partagée par l’émission Entrez sans frapper de La Première.
Il s’agit d’un extrait d’une interview de Josef Schovanec, qui est par ailleurs chroniqueur de l’émission mais qui est là cette fois pour parler d’une conférence qu’il donne dans les jours à venir sur les personnes « ayant un autisme », comme il le dit (il souhaite ne pas restreindre les personnes atteintes d’autisme à cette seule caractéristique, mais plutôt considérer leur autisme comme une des facettes de leur personnalité, un des attributs qui peut les définir parmi d’autres). Ca rejoint un peu l’idée de ne pas cantonner les choses dans une seule définition au risque de les y enfermer. (Un peu comme les brols quoi !! Les brols c’est la vie en fait ! Ahah !)
Voici le passage qui a attiré mon attention :
« J’aime bien cette phrase non-autistique dont j’ai mis beaucoup de temps à comprendre le sens : « Ne fais pas l’intéressant ». Je pense qu’un enfant, un adulte, devrait être amené à être intéressant, à faire des choses intéressantes, la créativité c’est fondamental dans la vie humaine, je pense. L’école devrait pousser à cela et non pas réfréner ces compétences-là. Quand vous regardez le profil de tant de mes amis autistes vous vous dites mais ces gens-là quand ils étaient enfants avaient un profil absolument idéal pour l’école ! L’école devrait se battre pour en avoir beaucoup, si possible le plus possible dans son cadre. Mais ce n’est pas ce que l’on observe. Comment ne pas être émerveillé par tous ces profils extraordinaires d’enfants qui ont soit des connaissances diverses soit savent faire des choses diverses, soit ont un regard sur le monde totalement différent. Mais non, malheureusement on ne les apprécie pas forcément. Mais par contre des enfants jugés normaux qui ne s’intéressent à strictement rien, ah ça on les gardera à l’école ! Et on osera dire que c’est l’enfant autiste qui est une charge. »
D’abord, je trouve très beau ce qu’il dit de l’autisme, du regard qu’on porte sur la différence, et de l’importance d’encourager les intérêts multiples, la créativité et les personnalités singulières.. Mais c’est sur cette notion de « faire l’intéressant » que j’ai tiqué. Ca m’a d’abord fait penser à mon grand frère, sans doute la personne la plus intelligente que je connaisse, qui s’intéressait déjà à tout étant petit, et que je traitais de Schtroumpf à lunettes et d’intello, parce que ça m’énervait qu’il ait toujours réponse à tout. Adri, voici donc mes excuses publiques pour ce mépris non-mérité ! (Bon après parfois t’étais quand même chiant aussi hein! Ahah! Mais c’était cool que tu saches plein de trucs, genre que tu saches dessiner la Belgique super précisément à main levée ou que tu connaisses le nom de toutes les étoiles et de toutes les constellations alors que t’avais pas d’âge). C’est quelqu’un, mon frère, quand même vous savez !
A mes yeux Josef Schovanec oublie de souligner la nuance entre « faire » et « être », parce que « faire l’intéressant » pour moi se situe plutôt dans le registre de l’apparence, un endroit à la surface, où on fait le malin, où on a envie d’ »avoir l’air » (culture, confiture, toussa toussa), ce qui n’est pas la même chose pour moi que d’être véritablement quelqu’un d’intéressant. Cela dit, parfois c’est peut-être à force de faire l’intéressant qu’on devient intéressant (et vice versa) (oups, ça m’a échappé ahah). Enfin bref, tout ça pour dire que je vois bien cette dépréciation de « l’intéressant » qu’il dénonce. Ca me fait aussi penser à Chomsky, qui a défini dans ses travaux différentes stratégies de la manipulation des masses, dont celle d’encourager les gens à trouver « cool » l’inculture, la bêtise, la vulgarité et à déprécier justement la réflexion, l’ouverture, l’intelligence, le fait de questionner, d’approfondir. C’est quand même triste quand on y pense, et on est en plein dedans.. En même temps moi-même je suis assez vite saoulée par les gens qui intellectualisent tout, tout le temps. Donc bon
Ca me fait aussi finalement un peu penser à moi, qui ai peur d’une certaine manière de « faire l’intéressante » avec ce blog. Il y a quand même un truc en moi qui a peur de s’étaler, d’être soit impudique soit dans le bavardage inutile. En fait c’est très étrange d’écrire en sachant que je serai (ne fut-ce qu’un peu) lue ! C’est une démarche particulière quand même. Il faudrait que je me dise que je ne le fais que pour moi. C’est en partie vrai et en partie de grosses balivernes, parce qu’en fait ça me procure un chouette sentiment de me dire que ce que je raconte peut valoir la peine à vos yeux !
Bon, trève de nombrilisme, si vous voulez écouter en entier l’entretien de Josef Schovanec, qui lui, pour le coup, est très purement très intéressant, c’est ici !
Des bisous
(Et là tout de suite je suis dans le train pour Paris pour aller assister à une lecture des très merveilleux et talentueux Victoire de Changy et Thomas Gunzig et je suis excitée comme une puce!!)