Brol #21 – fragments verticaux
Publié le 9 novembre 2017
Petit brol écrit d’un endroit sur l’arête, tout au bord de l’épuisement mais à son point de contact avec le possible.
J’ai encore eu à entendre et à écouter aujourd’hui des énormités sexistes incroyables. Mais j’ai eu aussi à éprouver la solidarité simple, le geste doux, l’amitié et le dire vrai.
Nous avons un grand besoin d’un peu plus de réelle écoute, d’entente approfondie, de dialogue sous la surface. Entre hommes et femmes bien sûr mais aussi entre femmes et femmes, entre hommes et hommes, sans doute entre humains avant tout. Le chemin me paraît tellement long encore et au même moment il me semble que la ligne d’arrivée a déjà été franchie.
Je ressens depuis longtemps fatigue et colère face à certaines postures, apparences, paroles vides, vaines, creuses, mensongères. Je sais pourtant combien parfois le mensonge est nécessaire, je sais qu’il peut être bienveillant et protecteur. Voile brumeux rempli d’amour. Mais dans d’autres cas, le mensonge n’est pas là pour adoucir une réalité qui grifferait. Et les paroles doucereuses cachent une réalité irrespectueuse de l’autre en général et de la femme en particulier, violente, difficile.
Une réalité à laquelle il faut faire face, rassembler suffisamment d’énergie pour (bien) réagir, suffisamment d’intelligence pour prendre du recul, suffisamment de courage pour ne pas s’écraser, suffisamment de patience pour ne pas cesser d’essayer d’améliorer les choses, suffisamment de bienveillance pour ne pas tomber dans la haine, suffisamment de profondeur pour être lucide mais suffisamment de légèreté pour pouvoir en rire – condition de survie. Et puis l’implosion, cyclique, qui n’étonne plus personne.
La perspective d’un peu plus de justesse, de justice, la perspective d’un peu de recherche de vérité et du repos qui pourrait aller avec m’adoucit et me solidifie à la fois. Bas les masques. Bas les masques, mais avec respect toujours, et avec nuance. Bas les masques, mais avec justesse. Avec tentative de compréhension et sans oublier de penser les choses. Eviter la chute facile dans ce que l’on reproche justement à l’autre. Que la vérité qui abîme une image et qui blesse un humain puisse être aussi pour lui un soulagement, un tremplin, un souffle positif plutôt qu’une seule déchirure. Que la vérité qui griffe ne soit pas uniquement morsure mais soit également porteuse de nouvelles possibilités, de capacité de questionnement et de remise en question profonds. Que la vérité qui froisse puisse être non pas destructrice mais plutôt vectrice d’un changement positif et fécond. Que déconstruction et reconstruction puissent se faire en un même mouvement. C’est vraiment, je pense, ce qu’on peut souhaiter de mieux.
Ce brol est vraiment très broleux, que ceux qui n’ont rien compris se rassurent, c’est normal ! A ma décharge, j’ai peu dormi la nuit passée, beaucoup travaillé aujourd’hui et j’ai encore plein d’autres circonstances atténuantes super pertinentes dans le genre !
Bisous les cocos !
entre celui qui donne et celui qui reçoit,
entre celui qui parle et celui qui écoute,
il y a une éternité inconsolable.
(…)
La nuit atteint une limite où elle rencontre inévitablement le jour.
L’impossibilité atteint un point où elle frôle la possibilité, où elle se transforme en elle.
(…)
Roberto Juarroz, Fragments verticaux