Brol #7 – burning out

Publié le 20 septembre 2017

Pour le brol #7 je voulais vous parler d’un documentaire qui est encore visible sur auvio, la plate-forme de la rtbf, ça s’appelle « Burning out », du réalisateur Jérôme Le Maire.
Il a suivi pendant 2 ans et montre de l’intérieur le service de chirurgie d’un hôpital parisien appartenant à un gros groupe hospitalier. (Si vous voulez juste voir la bande annonce : c’est possible ici).

On y voit à quel point la pratique médicale est subordonnée aux seuls chiffres par les gestionnaires, à quel point l’humanité du corps médical est totalement niée, oubliée. Les objectifs de rentabilité deviennent primordiaux au nom de l’optimalisation, de la performance, de l’efficience. Mais à quel prix humain pour le personnel ? (Et pour les patients dont on ne parle pas ici mais sur lesquels on ne peut qu’imaginer les répercussions..) Et puis en plus à quel prix, même financier puisque c’est ça qui les intéresse, finalement ? Puisque derrière ça il faut couvrir les burn out, les absences, les crises, les audits, les tensions qui doivent être réglées.

On y voit des humains broyés dans un environnement dont la complexité (complexité de l’environnement autant que des personnes) est niée, simplifiée, réduite. Des gens tristes, stressés, perdus, à bout de souffle, qui ne se parlent plus entre eux (ou mal), qui ne trouvent plus de sens à ce qu’ils font. On a oublié de prendre en compte qu’ils avaient, contrairement aux machines, besoin de respirer, de discuter, d’être reconnus, d’échanger, de créer des liens.

Un cas exemple qui est je trouve révélateur d’une tendance sociétale globale où la souffrance au travail est pratiquement devenue une norme et où les êtres humains sont considérés comme les pièces d’un rouage qui font tourner une machine en laquelle ils ne croient plus.

Il y a clairement une urgence à changer de paradigme, à retrouver une place centrale pour l’humain, à redonner du sens, à rénover et réinventer un système en profondeur. C’est tellement bidon et on se sent tellement petit face à ça, mais franchement allez quoi. Comment on en arrive là ?

Un cas exemple donc, et qui peut s’étendre à un mode de fonctionnement plus global de notre temps, mais qui pose quand même la question plus précise du monde médical, que je connais d’assez près – par alliance on va dire   Je me souviens d’une discussion un peu musclée sur Facebook à l’époque des grosses grèves au printemps 2016, avec une assistante en anesthésie qui traitait les grévistes d’assistés, de débiles, d’illettrés, parce qu’un piquet de grève l’empêchait de rentrer dormir chez elle après sa garde éprouvante. Là-dessus d’autres assistants avaient répondu des trucs du genre « fonce-leur dedans » et autres sympathies dans le style.

J’avais été peinée et choquée par le mépris et la violence de ses/leurs paroles, par leur méconnaissance de la réalité d’autrui pour des gens qui travaillent justement dans un milieu qui devrait être un des plus humains qui soit… et je m’étais questionnée sur les raisons et conditions de « naissance » de cette mentalité, visiblement partagée par nombre de ces candidats assistants médecins spécialistes. Si la difficulté et pénibilité de leurs conditions de travail dans le système actuel est telle qu’elle les empêche d’être empathiques/respectueux/ouverts/compréhensifs vis-à-vis d’autrui, alors que leur métier-même nécessite toutes ces qualités, c’est quand même un tout petit peu problématique.

(Bon, cela dit, d’autres assistants candidats médecins spécialistes sont parmi les personnes les plus humaines, sensibles, ouvertes que je connaisse, donc ne généralisons pas trop; mais quand même ils ont des conditions de travail compliquées qui ne les aident pas sur cette voie – comme certains soignants qu’on peut voir dans le reportage, d’ailleurs.)

(Je voudrais ici parler d’Idriss parce que c’est lui qui prend toute la place dans mes pensées quand je réfléchis à ces questions-là, mais je ne trouve pas les mots.)

Le plus triste c’est sans doute de se dire que les gestionnaires eux-mêmes sont pris dans un système où eux-mêmes sont broyés par les exigences qui pèsent sur eux, et où ils ne comprennent pas les médecins qui eux-mêmes ne comprennent pas les autres et et et et ainsi de suite, mais jusqu’où ? Et comment on peut faire pour changer ça pour tout le monde ?

Bah voilà, c’est pas très rigolo comme brol du jour, ça me rend même plutôt triste en fait tout ça, mais le reportage est à voir !

Des bisous